Voyage en enfer (1)

par Bauglir

La nuit était d’un noir profond. Le paysage désolé inspirait la crainte et l’air était froid et humide. Bauglir piétinait sur le chemin menant au tombeau comme s’il avançait contre sa volonté. Les silhouettes des buissons décharnés dans le brouillard lui donnaient quelques frissons. Il se demandait pourquoi il était là. Levant les yeux il aperçut sa compagne de voyage ce qui lui rappela le but de sa quête. Quelle folie de s’être engagé là dedans se répéta t’il. Ses amis l’avaient pourtant prévenu mais Bauglir ne savait pas résister aux charmes d’une demoiselle, quelle qu’elle soit. Et c’était sans doute là sa plus grande faiblesse. Bauglir se remémora le temps où il vivait avec la princesse Valéria du royaume de Dragonne. Il s’était fait avoir comme un imbécile mais s’en était tirer de justesse. Il avait tiré une leçon de cette rencontre, du moins il le pensait… Le couple passa sous une arche effondrée et entra dans une sorte de tumulus. Aussitôt une odeur acre parvint au nez de Bauglir ; senteurs de chair en décomposition qui retourna l’estomac du seigneur. La jeune femme ne semblait pas dérangée par l'effluve et continuait son chemin comme si de rien était. Bauglir pris une torche et l’alluma par un sort de magie mineure. Contrairement à elle, il n’était pas nyctalope. Après avoir descendu une volée de marche, le couple entra dans la salle du tombeau principal. Le succube retira sa cape pour dévoiler ses courbes parfaites. Malgré ses pattes à fourrure, sa queue de diable et ses ailes écailleuses elle était loin d’être hideuse. De plus il avait la faculté de changer de forme corporelle et de faire disparaître ses membres animaux… Ce qu’il avait fait pour séduire Bauglir. Le jeune homme le regarda à la fois effrayé et fasciné. Pouvait il lui faire confiance ? Sa gorge se serra et encore une fois il remit en cause le bien-fondé de cette quête et ses chances de réussite. Il était complètement fou pour se lancer dans un tel périple. L’envie de prendre ses jambes à son cou et de fuir très loin était grande mais le seigneur n’avait qu’une parole et il allait de son honneur. Il resta donc appuyé sur une sorte de sarcophage, regardant la démone assise a genoux au centre de la salle, en train de tracer une rune au sol. La rencontre entre les deux individus s’était faite quelques jours auparavant dans une taverne. Bauglir revenait incognito d’une visite dans le royaume d’Adwyr et avait eu envie de faire une petite pause. En entrant dans l’auberge il aperçu le succube, jouant de ses atours pour charmer les hommes présents et les alléger de leur bourse. Le seigneur du Sommerlund n’avait pas résisté à l’envie de se payer du bon temps. Après quelques ébats mouvementés la démone se confia au jeune seigneur et lui avoua qu’elle en avait assez de sa condition de succube, qu’elle voulait se libérer de ses maîtres des enfers et de vivre une vie de femme normale. Aussi bizarre que cela puisse paraître, Bauglir accepta de l’aider… Il n’avait rien ressentit de démoniaque chez elle et la peine qu’il avait lu dans ses yeux était bien réelle. Pourtant il savait qu’il ne serait sans doute pas de taille à l’aider. Mais surtout pourquoi s’était elle adressé a lui ? Démonia, car tel était le nom du succube, ayant fini son tracé, prononça une incantation. Aussitôt, la rune se mit à briller, une ombre s’étendit et une ouverture se créa à même le sol. La démone regarda Bauglir dans les yeux et entra dans l’ombre, s’enfonçant petit à petit dans la terre. Elle pria le seigneur de le suivre. Puis, le voyant hésiter, elle le supplia. Il aurait été simple à Bauglir de tourner les talons et sortir mais il ne pouvait la laisser sans avoir essayé de l’aider. Il entra donc lentement à son tour dans le cercle et s'enfouit également dans le sol, descendant droit aux enfers…