Sombres desseins (16)

par Niabea

Il soupira, le soleil se couchait sur son royaume, assis sur un créneau de la tour nord Niabea demeurait pensif. Profitant d’un moment de solitude pour laisser vaguer sa pensée. Etait-ce sa nature profonde d’être ainsi toujours sur la défensive ? Adraylia lui avait reproché plus tôt, comme son égoïsme, et, comme à chaque fois, les paroles de la jeune femme l’avait touché comme autant de flèches acérées. Il savait qu’elle avait raison, comme souvent d’ailleurs, mais Mystra qu’il était dur de l’admettre…

Toute la journée, sans relâche, et tandis que les hommes s’activaient sur les chantiers pour finir les derniers préparatifs de la fête des jours à venir, ils avaient suivi l’idée d’Ad et s’étaient entraînés, tous les trois. Comme à son habitude il avait noyé dans l’application ses doutes et ses angoisses. La nuit tombait mais son esprit, contrairement au ciel, était étonnamment clair. La journée avait été longue oui… Il ferma les yeux, cherchant dans son esprit les images de ses amis d’antan, les Tisseurs. Un vent de colère souffla dans son âme, et il se leva. Sans trop savoir pourquoi il leva les yeux vers le ciel en une reproche muette.

- Abandonné…

Il baissa la tête. Une colombe passa, regagnant son nuit devant l’obscurité naissante.

- Les colombes ne savent pas la chance qu’elles ont se laisser aller au vent, s’adapter aux saisons… libres…

Il tournait en rond maintenant. Trop d’idées, trop de tensions, trop de craintes, craintes du futur, de demain, de décevoir Adraylia, Lälwina, ses amis… Il s’arrêta enfin et se prit la tête entre les mains, le regard dans le lointain. Regardant les derniers éclats de soleil qui s’abîmaient derrière les forêts de Cadrienia il eut le sinistre pressentiment qu’avec l’astre solaire c’était le crépuscule de son royaume qu’il contemplait. Il se prit à espérer un signe, quel qu’il puisse être, geste du destin, preuve que demain serait un jour comme un autre, meilleur que la veille. Il attendit en vain.

- …

Il soupira une deuxième fois et allait partir quand, au loin, quelque chose attira son intention. Il eut un frisson, sinistre.

- Qu’est ce que…

Il lui avait semblé voir apparaître un ange, mais un ange aussi noir que la nuit. Encore un sombre pressentiment. Sans s’attarder plus, désireux de retrouver la présence d’Adraylia et de Lälwina, il redescendit. Chacun de ses pas était lourd, lourd d’un silence que seuls ses pieds frappant la pierre venaient troubler parfois. Alors, et seulement, il se rendit compte de la fatigue qui était sienne. Etait-elle physique, psychique, ou les deux ? Il n’aurait su le dire sur l’instant. Un garde approcha.

- Seigneur Niabea ?

Il acquiesça d’un signe de tête las.

- Je tenais à vous informer que le Seigneur Grombrindal est arrivé dans la journée, tout comme le Seigneur Higan. Nous les avons logé selon vos vœux.

Déjà ? Ils étaient en avance… Tant mieux après tout, et, même s’il n’avait guère le temps d’assumer son statut de maître des lieux avec toute la courtoisie nécessaire il passerait les voir demain. Cela faisait si longtemps qu’il ne les avait pas vu…

- Merci l’ami… Merci…

Il arriva enfin face au croisement. Son épée sur le côté il eut la tentation de prolonger son moment d’isolement dans l’aile ouest mais se reprit avec un sourire et partit vers l’est, vers sa famille. Plus encore que de sommeil c’était bien d’eux dont il avait terriblement besoin, plus qu’eux de lui sans doute se rendit-il compte amèrement, mais, pour le pire ou pour le meilleur ils étaient sa famille désormais. Le sourire toujours sur les lèvres il poussa la porte de leurs quartiers.

- Je suis de retour…