Sombres desseins (22)
Pendant que son compagnon se
rafraîchissait aux bains, Adraylia était allée chercher Lälwina dans
ses appartements pour l'emmener s'entraîner dans le parc. La fillette
n'avait pas cherché à cacher sa joie à l'idée de pouvoir reprendre ses
cours d'escrime ici même, en Cadrienia. En effet, elle s'y adonnait
avec plaisir à chacun de ses séjours en Adwyr, mais les deux filles
avaient préféré dans un premier temps taire cette activité à Niabea,
lui réservant cette annonce pour le moment où sa fille adoptive
maîtriserait cet art... elles avaient envie de le surprendre ! L'enfant
s'était montrée une élève vive et attentive et progressait très vite,
Adraylia retrouvait le plaisir des leçons données naguère à son filleul
Kyrian, devenu aujourd'hui un grand guerrier.
Ayant récupéré
auprès du forgeron l'épée qu'il avait conçue spécialement pour elle et
gardait cachée dans son atelier, Lälw répéta chaque geste précédemment
appris, elle n'avait rien oublié pendant ces quelques mois sans
entraînement !
Mais Adraylia souhaitait aussi travailler ses
pouvoirs d'origine démoniaque, pouvoirs qu'elle n'avait découverts que
depuis peu, même si elle avait toujours su posséder en elle une forme
de magie qu'elle ne maîtrisait pas et qui se manifestait à travers ses
yeux au gré de ses émotions... Il était temps maintenant d'accepter
pleinement cette partie d'elle-même et de prendre possession de cette
puissance léguée par cet être maléfique dont le sang coulait pour
partie dans ses veines. "Le pouvoir n'est pas bon ou mauvais en soi, il n'est qu'un instrument entre les mains de ceux qui le détiennent"
lui avait dit le sage Arlong. L'inconvénient principal de cette magie
démoniaque étant qu'elle vidait la guerrière de son énergie, la
laissant littéralement épuisée. C'est là qu'intervenait Lälwina...
elles avaient en effet découvert que la fillette possédait la capacité
de lui rendre cette énergie, d'un simple geste de la main, sans effort
apparent...
Repoussant toujours plus loin ses limites, Adraylia
était presque évanouie quand Niabea reparut. Remise sur pieds par Lälw,
elle lui fit un petit sourire gêné, et ils poursuivirent la séance
d'entraînement par des exercices plus classiques de défense. Il avait
aussi tenu à leur faire répéter plusieurs procédures de repli en cas de
danger. La jeune femme avait fortement recommandé à Lälw d'appeler
mentalement Arlong si elle se sentait menacée. Elle avait en effet
remarqué à sa grande surprise que ces deux-là arrivaient parfaitement à
communiquer entre eux. Le dragon pourrait ainsi la prévenir même s'il
lui avait dit être momentanément dans l'incapacité de se matérialiser
auprès d'eux en ce moment, sans vouloir donner plus de précisions.
La
journée s'écoula ainsi, certes épuisante pour chacun d'entre eux, mais
profitable. Le soir venu, chacun n'aspirait qu'à retrouver son lit...
Pourtant,
le léger bruit que fit Lälwina en quittant sa chambre en compagnie de
son amie n'échappa pas à l'oreille aux aguets d'Adraylia. Elle préféra
cependant laisser l'enfant sortir librement sans en faire part à son
compagnon qui n'avait rien entendu, confiant cependant une mission de
surveillance discrète au dragon de glace
-
avertis-moi au moindre signe de danger, je ne veux pas l'emprisonner,
mais ne pourrais jamais me pardonner s'il lui arrivait malheur !
Désormais
seuls dans cette aile du palais (même si l'un des deux l'ignorait), les
amoureux profitèrent de cette dernière nuit d'intimité avant les fêtes
d'automne. En effet, dès le lendemain le royaume accueillerait une
foule de participants aux différentes animations proposées sans
interruption pendant trois jours et trois nuits.
- Adraylia, vite ! la petite se fait attaquer ! sur le port !
Déjà debout, la guerrière secoua son compagnon qui dormait
- Niab' ! Il faut qu'on rejoigne le port immédiatement
- mais... ?
- Lälwina est en danger, vite !
Et
elle partit au pas de course, traversant le chateau endormi sous les
yeux étonnés de la garde, sans attendre son compagnon (qui n'allait
d'ailleurs pas tarder à la rejoindre, il avait toujours couru plus vite
qu'elle) se maudissant de n'avoir pas interdit à l'enfant sa sortie
nocturne.
Juste avant de franchir les portes extérieures, ils
manquèrent de percuter un archange noir qui portait les deux fillettes,
sonnées mais apparament indemnes !
- Ad' ? ... que ? Lälw ! je... merci...
Incapable
d'aligner trois mots, Adraylia laissait les larmes inonder son visage
tout en serrant dans ses bras celle qui était devenue comme sa fille
ces dernières années et qui avait failli perdre la vie à cause de son
insouciance cette nuit.