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Adraylia
3 novembre 2006

Sombres desseins (51)

par Niabea

Ce fut le sifflement, si caractéristique, de la pierre chutant vers sa cité qui figea le jeune homme alors qu’il rentrait dans ses quartiers. Il s’arrêta, attentif, la peur n’ayant pas encore fait son chemin, puis l’adrénaline, soudain, qui envahit son corps tandis qu’une tourelle proche s’écroulait avec un bruit sourd. Il y eut un flottement de quelques secondes, où il resta immobile, puis, telle une claque terrible une deuxième pierre vint s’abattre sur ses murs. C’est seulement alors qu’il réalisa que ses terres, son royaume, son peuple… étaient attaqués. Durant les fêtes de Cadrienia jamais aucun adversaire n’avait osé venir ici avec de belliqueuses intentions, jamais… comment… pourquoi aujourd’hui… alors que tout allait être si parfait… pourquoi… Une larme coula le long de sa joue, larme de rage et de désespoir… quel que soit l’adversaire qui avait franchi ses frontières aujourd’hui… jamais… jamais il ne pourrait lui pardonner…


- Bande de pourritures…


Il bougea, enfin, et sortit dans la cour où la chaos le plus total régnait. La poussière et les cris envahissaient tout l’espace, la surprise avait été totale. Presque trop même, avisant un sergent de sa garde proche il courut jusqu’à lui et l’attrapa par le bras.


- Bordel ! Qu’est ce qui se passe !?


L’homme hocha la tête, avouant de ce fait son ignorance. Niabea jura et monta sur les remparts. La brume, comme plus tôt, envahissait toujours la campagne, pourtant, au cœur du manteau blanc, se distinguait une multitude, une trop grande multitude même, de points jaunes. Des torches. Une armée. Mais de qui ? Il se retourna vers l’homme qui, la peur au fond des yeux, attendait ses hommes. Il n’y avait pourtant pas trente choses à faire dans une telle situation.


- Prenez tous les hommes que vous pourrez et partez contenir l’ennemi à la porte de la cité…


L’homme acquiesça et partit en courant, suivi par quelques dizaines d’hommes. Mais Niabea était déjà reparti, grimpant quatre à quatre les marches d’une petite tour adjacente au donjon, il arriva après quelques instants, en sueur, près d’une cloche de bronze. Sans hésiter il la fit sonner, quatre, cinq fois, afin d’avertir la population du péril qui la menaçait, bien conscient malgré tout de la futilité de son geste. Il était déjà sans doute trop tard. Cette saloperie de brume avait caché l’avancée des troupes ennemies et … il fit un bond de côté pour éviter une flèche qui venait de se planter à côté de lui, et, dans le même mouvement lança une dague sur une ombre un peu plus loin. Pas un cri mais la chose s’effondra. Il s’avança et l’odeur le frappa, de nouveau, tel nuage dans le ciel, la peur passa dans son regard.


- Un mort-vivant… Mystra… Qu’arrive t’il…


Il se reprit aussitôt, Adraylia, Lälwina, ils devaient les rejoindre, il devait… une main se posa sur son épaule et il se retourna, la dague en avant, les traits déformés par la peur et la colère. Avant d’arrêter son geste au dernier moment devant le visage de l’un de ses gardes.


- Me… Messire… Les troupes ennemies sont entrées dans la cité…

Ce fut une chose terrible que de voir des larmes naître dans les yeux de ce vétéran. La colère de Niabea s’accrut doucement au fil des mots de son interlocuteur.


- Et… Ils massacrent tout le monde… sans distinction… Nous allons tous mourir… Où est Mystra quand ses enfants se font massacrer…

Niabea eut la vision de son peuple, exterminé et condamné à la misère, inéluctablement. La morte saison était proche et il serait trop tard pour reconstruire… pour revivre, pour… Il arracha une épée à un des cadavres proches et, le regard plein de fureur releva l’homme devant lui, le fixant droit dans les yeux.


- Nous allons combattre avant de mourir sombre crétin… Nous battre oui… et faire payer au centuple à ces enflures ce qu’ils font subir à notre peuple.

Il eut une pensée pour ses invités puis ferma les yeux un instant. Tant pis… il était trop tard… trop tard. Quand il les rouvrit quelques instants plus tard, toute trace de joie, de bonheur avait disparu, remplacées par la certitude de la mort proche et la volonté farouche de donner la mort aux plus d’adversaires possibles avant de succomber. Il sentit, au fond de lui, la volonté du Tisseur de prendre part au combat, mais il le repoussa, comme on repousse un enfant.


- Ceci est mon combat… ceci est MA mort. Je ne te laisserais pas y avoir la moindre prise...

Il jeta un regard vers les cieux, défiant la déesse de lui ôter ce dernier choix.


- Et à ceux qui veulent détruire mon peuple… JE NE LEUR PARDONNERAIS JAMAIS !

On lui tendit une deuxième épée et, accompagné par quelques hommes seulement, avec dans leurs yeux la même détermination, il partit dans la cité. A peine la porte du château franchie qu’ils se trouvèrent aussitôt en plein affrontement, les habitants tentant de défendre leurs vies luttaient contre la mort. Il abattit sa lame, déchirant la chaire d’un adversaire proche, et, d’un revers de la seconde trancha la tête d’un adversaire proche. Le sang, en une cascade carmin lui fouetta le visage, il n’en avait cure, et, du même geste, planta ses deux lames dans le ventre d’un troisième opposant avant de les écarter vigoureusement, le séparant en deux. La folie s’était emparée du jeune homme comme elle s’était emparée de ses hommes. La folie de l’humain confronté à sa propre mort, à la certitude blessante de n’avoir aucune prise sur son destin. Il cria.


- Pour Cadrienia !

Tout autour de lui le même cri résonna, dépassant un instant le fracas des armes et les cris d’agonie, comme l’ultime chant d’un peuple sur le point de s’éteindre. Les yeux de Niabea se plissèrent un peu plus tandis que ses armes, sans relâche donnaient la mort autour de lui. Il murmura aussitôt quelques mots.


- Et à la mort…


Alors il replongea dans l’enfer de la bataille, tandis que la cité vivait ses heures les plus sombres depuis plusieurs centaines d’années.

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