Pour un regard (10)

- Tu as des amis… étranges !

Le sourire et le clin d'oeil du chevalier, assortis du tutoiement aussi inhabituel qu'inattendu, rassurèrent Adraylia qui avait eu toutes les peines du monde à se retenir de courir lui porter secours quand elle l'avait vu tomber à genoux. C'était la première fois qu'Arlong testait ainsi quelqu'un, du moins en sa présence. A son interrogation muette il lui transmit :

Je me devais de vérifier qu'il n'a aucune intention nuisible à ton égard.
Ce n'est pas un homme ordinaire... Mais ça, ce sera à vous de le découvrir ensemble...

Enigmatique, évidemment, mais elle savait qu'il ne servirait à rien d'essayer de tirer d'autres informations de la part du dragon. Elle se tourna donc vers l'homme aux cheveux clairs et, plongeant son regard dans le sien, qu'il avait si fascinant, lui dit d'un ton qu'elle voulait léger :

Etrange ? Le mot est faible !
C'est mon garde du corps personnel en quelque sorte, et surtout mon moyen de transport le plus rapide...

Clin d'oeil à son tour (assorti de son équivalent mental en direction du "moyen de transport").
La jeune femme se sentait à cet instant pleinement heureuse.

Prêt pour le voyage ? A vous l'honneur, Chevalier

D'un geste à l'ampleur exagérée, elle l'invita à s'asseoir sur le cou du dragon, de nouveau les battements de son coeur s'accélérèrent... et s'il changeait d'avis ? s'il refusait d'emprunter la voie des airs ? Appréhension bien vite balayée par le regard confiant que lui adressa cet homme auquel, elle s'en rendait compte, elle s'attachait malgré elle de seconde en seconde. C'est avec une révérence moqueuse qu'il passa devant elle pour s'installer. Adraylia prit place derrière lui, n'osant toutefois lui passer les bras autour de la taille, et Arlong s'élança du balcon, s'élevant rapidement très haut dans le ciel, avant de redescendre moins d'une minute plus tard dans un paysage bien différent.


Le dragon déposa ses passagers dans une petite clairière au milieu d'une forêt de cônifères, avant de disparaître.

Adraylia ne put s'empêcher de frissonner.
A pas lents elle s'approcha de la paroi rocheuse qui bordait un côté de la clairière, la toucha du plat de la main puis s'y adossa, se laissant glisser jusqu'au sol, les yeux fixant un point invisible droit devant elle. Sans tourner la tête, d'une voix basse et lointaine, semblant s'adresser autant à elle-même qu'à lui, elle prononça cette seule phrase :

Je n'étais jamais revenue dans cet endroit.