Pour un regard (12)

- Raconte moi s’il te plaît…
- Expliquez moi…

La jeune femme avait du mal à contenir toutes les émotions qui l'envahissaient pêle-mêle, aussi intenses le unes que les autres. Se retrouver après tant d'années en cet endroit où elle avait ouvert les yeux, en compagnie de cet homme... à qui elle s'était promis de révéler toute la vérité sur sa vie, du moins tout ce qu'elle en savait... même s'il devait ensuite ne plus jamais lever les yeux sur elle. Jamais elle n'était revenue ici, jamais elle n'en avait ressenti l'envie ou le besoin, avant ce matin, avec... lui...

Il s'était assis sur le sol, adossé comme elle à cette même paroi rocheuse que bien des années plus tôt. Son corps et son coeur lui disaient de se blottir entre ses bras, de poser sa tête sur sa poitrine... mais son cerveau lui dictait de n'en rien faire.

Après un bref regard reconnaissant vers celui qui la mettait tellement en confiance pour raconter son histoire, elle laissa à nouveau ses yeux se perdre dans le passé et parla, d'une voix rendue sereine par sa présence.

Oui, cet endroit est très particulier pour moi. C'est ici que j'ai vu le jour pour la première fois.
Il y a six mois, vous m'avez parlé des nuages, du vent, de rêves que vous faisiez enfant...
Vous allez trouver cela très étrange sans doute, mais je n'ai jamais eu aucun rêve d'enfant.

sa voix se brisa et elle dut s'arrêter le temps de deux profondes inspirations - ces images qui l'avaient longtemps hantée venaient à nouveau de défiler dans son esprit

des cauchemars plutôt.

En réalité, je me suis éveillée ici même à l'âge de 10 ans.

Adraylia avait machinalement sorti le poignard qu'elle portait toujours tout contre sa peau et le faisait tourner entre ses mains.

Cet objet est la seule chose qui me reste de... d'avant.

La jeune femme s'arrêta de nouveau. C'était bien plus difficile qu'elle ne l'aurait cru. Elle leva les yeux vers l'homme toujours à son côté et eut un geste inattendu, qu'elle n'aurait pu expliquer si on lui avait posé la question : elle lui tendit son poignard et reprit la parole d'une voix calme, changeant abruptement de sujet

S'il vous plaît, parlez-moi encore de votre enfance.