Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Adraylia
21 février 2006

Pour un regard (13)

par Niabea

Machinalement Niabea saisit le poignard que lui tendait la jeune femme, il était encore abasourdi par ce qu’il venait d’apprendre. Comment pouvait-on vivre sans souvenir de son enfance ? Elle avait dit cela d’une voix sereine mais le jeune homme comprit malgré tout quel effort cela avait du coûter à Adraylia pour lui confier ainsi un si lourd secret…


- S'il vous plaît, parlez-moi encore de votre enfance.


Une ombre passa dans les yeux du jeune homme à cette demande. Son enfance… Toujours il avait évité soigneusement d’aborder le sujet, même avec ses amis proches. Non que cette période recèle quelques sombres secrets, mais elle avait toujours tendance à dévier sur ce qui s’était passé ensuite, sur une partie de sa vie que le jeune Tisseur tentait d’oublier depuis de nombreuses années. Il allait répondre des banalités quand soudain il s’arrêta. Mais qu’était-il en train de faire ? Lui mentir ? Le remord vint l’envahir avec violence. Elle s’était exprimée avec une franchise désarmante… et lui… Elle attendait sa réponse aussi, et ce fut d’une voix hésitante qu’il débuta son récit.


- Mon enfance ? Et bien elle fut elle de tout jeune garçon noble… partagée entre les études et le jeu. J’ai été élevé avec Galeat, l’actuel souverain de Laemyr, et c’est de cette époque que date notre amitié. Nous avons presque tout vécu ensemble, toutes nos aventures de jeunesse, nos premiers faits d’armes… En fait il est un frère pour moi, et, enfants nous rêvions de conquérir le monde à nous deux ! Avec des épées de bois comme seules armes ! Il représente un peu ma seule famille en fait maintenant…

Tout lui dire ? Vraiment ? Il repoussa ses doutes et continua.


- En fait je n’ai que très peu connu mes parents… Dès mon plus jeune âge j’ai été élevé par un précepteur, hors du royaume où trop de dangers pouvaient guetter l’héritier du trône… Je crois en fait n’avoir qu’un véritable souvenir d’eux tous…

Il s’arrêta, un vent froid, remuant les feuilles tombées à terre, venait d’envahir la petite clairière. Il eut un petit rire tandis qu’il plongeait dans les tréfonds de sa mémoire.


- Oui, c’était un jour comme aujourd’hui, le vent soufflait sur les cimes des arbres et l’on est venu m’apprendre que le lendemain je devrais partir. Rejoindre enfin la capitale, rejoindre Kjeldos afin de voir mes parents…

Une douleur peu à peu revenait venue des plaies du passé mais il l’ignora et s’obligea à continuer.


- … Je m’étais tant imaginé nos retrouvailles… Toutes les nuits durant près de onze longues années…

Il se tourna vers elle et lui sourit tristement. La voir ainsi attentive lui donna la force de continuer.


- Mais l’accueil chaleureux que je m’étais imaginé n’eut pas lieu… Reçu avec faste dans la cours de mon père j’eu juste le « plaisir » d’apprendre que j’avais désormais à accomplir le voyage initiatique d’un an autour de l’empire que tout jeune prince se devait de faire…

Il marqua une pause cherchant ses mots.


- Je n’ai vu mes parents qu’à ce seul instant. A peine quelques minutes… Et… dans un coin de la salle… J’ai vu deux petite filles me regardaient… j’avais eu deux sœurs cadettes durant ses années d’absence… Quelle joie ce fut pour moi !

La douleur se fit plus vive tandis qu’il avançait dans son récit.


- … C’est la dernière et seule image que j’ai eue d’eux tous… Car, après dix mois de périple l’on vint me chercher. La peste ravageait Cadrienia et toute ma famille, mon père, ma mère, même mes sœurs dont je ne connaissais même pas le nom ! Tous… morts… Ce fut la fin du temps de l'enfance…

Cette fois il s’arrêta. Une larme coula le long de sa joue gauche, et il fut heureux qu’Adraylia ne puisse le voir. Le passé était pour lui une torture permanente et malgré tous ses efforts il peinait à en chasser les démons.

Publicité
Commentaires
Publicité
Publicité