Nouvelle vie (1)
par Lälwina
Voila quelques mois déjà que la jeune
Lälwina, comme l’avait appelé le jeune Tisseur lorsqu’il l’avait
recueilli après le départ de sa maîtresse Lälwende, était installée en
Cadrienia. La jeune enfant, malgré l’éducation rigoureuse et complète
qu’elle avait reçue en Voeldys, restait émerveillée par la grandeur et
la beauté du monde qui l’entourait. Elle était une élève appliquée,
dotée d’une intelligence remarquable et d’une vivacité hors norme qui
enchantait son professeur. Ce dernier lui apprenait tout son modeste
savoir, des arcanes de la magie de Tisseurs jusqu’aux plus beaux textes
que l’empire ait connu. Elle avait été logée au château de Kjeldos, une
aile complète lui ayant été réservée. Lälwina, un temps déboussolée par
sa nouvelle existence, avait vite pris la mesure des ses nouveaux
devoirs… et de ses nouveaux droits… Elle en usait d’ailleurs,
provoquant parfois la colère de Niabea, peu habitué encore à s’occuper
d’une enfant. Mais, si le jeune homme faisait un bon précepteur, il
n’arrivait guère à user de sévérité envers la petite fille à qui il
s’était attaché malgré lui…
Elle animait la vie guerrière du
jeune Tisseur, par sa vitalité et son innocence dans un monde où il ne
voyait que la mort et la trahison. De plus, le Seigneur de Cadrienia
était admiratif devant les talents de guérisseuse de la jeune fille,
maintes fois, alors qu’il revenait blessé et fourbu d’une bataille,
elle l’avait soigné avec maestro. En fait, elle lui était presque
devenue indispensable, et, parfois, il se surprenait à la considérer
comme sa fille…
Un matin, ou plutôt une après-midi tant l’heure
était avancée, alors qu’elle venait de terminer ses leçons de langue
elfique, Lälwina alla rejoindre ses amis du château, pour la plupart
fils et filles de servantes ou de garçons d’écuries. Elle s’était en
effet rapidement fait adopté par le petit monde de Kjeldos et avait
fait de tous les habitants de la forteresse des alliés pour tromper à
sa guise la surveillance de son tuteur, le faisant joyeusement tourner
en bourrique. Aujourd’hui encore, elle avait quitté l’enceinte avec la
complicité des gardes et s’aventurait dans les faubourgs. Elle y
retrouva ses amis, Terni aux tresses rouges, Douri son frère si gentil
mais si bête, et Wiel, petit brun moqueur et espiègle. Ils semblaient
s’ennuyer et Lälwina avait quelques idées pour les sortir de cette
fâcheuse situation. Elle eut un grand sourire et s’avança vers eux.
- Terni ! Les garçons !
Elle
se mit à courir vers Terni qui lui rendit son sourire avec chaleur,
cette dernière avait été sa première véritable amie dès son arrivée en
Cadrienia, et s’était grâce à elle que Lälwina avait connu les garçons
et la ville. En effet, Niabea, lui, ne trouvait pas que la ville soit
un endroit très fréquentable pour une jeune fille et ne lui avait donc
pas véritablement fait visité la capitale. Elle aimait beaucoup le
jeune homme, mais convenait aisément qu’il était un tuteur assez
strict. Il n’y avait en effet aucun danger en Cadrienia, les gens était
simples et, pour la plupart, respectaient la loi de façon très
scrupuleuse et sans se poser de questions. La jeune fille ne voyait
donc pas quelles mystérieuses raisons l’empêcheraient de profiter des
attraits de la cité. Elle se sentait véritablement libre comme l’air et
heureuse de vivre ici. Elle connaissait sa chance, elle l’orpheline,
d’avoir été recueillie par la famille royale de Cadrienia, quand, en
cette période de conflits, tant d’enfants se retrouvaient dans les
orphelinats royaux…
Les quatre amis, après s’être copieusement
amusés dans le foin, furent bien vite exténués, et, dans le chaos
ambiant, Lälwina fut déclarée vainqueur de la bataille de la grange.
Elle avait triché, comme à son habitude, usant discrètement de ses
pouvoirs pour vaincre les deux garçons. Ainsi, Douri s’était retrouvé
la tête dans l’auge à cochons la plus proche tandis que Wiel avait eu
la bouche remplie de foin. Les deux amies triomphaient, maîtresses des
lieux. Les deux garçons, bons joueurs, allèrent quémander une brioche
chez le gentil boulanger proche de la grange. Malgré la guerre la
production allait bon train en Cadrienia et, de plus, les récoltes
avaient été excellentes et la famine ne menaçait guère le pays. Même
avec les lourdes taxes impériales… Le brave homme offrit avec plaisir
une bonne part de brioche, encore chaude et moelleuse aux jeunes
enfants. De retour dans la grange ils se la partagèrent et, heureux, se
laissèrent aller, coucher dans le foin, rêvant comme le font les
enfants, loin des contraintes du monde des adultes…