Nouvelle vie (3)

Par Lälwina

Aussitôt elle regretta sa phrase, mais, trop tard, le mal était fait. Niabea se tourna aussitôt vers elle, la colère se lisait dans son regard. Elle eut un frisson. Jamais encore elle n'avait ainsi délibérément mis en colère le Tisseur, et elle craignait sa réaction. Lorsqu’il lui prit l’épée des mains elle ferma les yeux, s’attendant à un coup. Pourtant Niabea ne l’avait jamais frappé, n’avait jamais levé la main sur elle, cela avait été plus un réflexe qu’une quelconque nécessité. Quelques secondes plus tard elle sentit de nouveau le poids de l’arme entre ses mains. Surprise elle rouvrit les yeux. Le jeune homme se tenait quelques pas devant elle, et lui tournait le dos.

- … vraiment ?...

Il avait parlé d’une voix douce, empreinte d’une certaine tristesse. Toute trace de colère semblait avoir disparue. Elle resta interdite. Que devait-elle faire ? Comment devait-elle réagir ? Enfin Niabea brisa le silence.

- … et bien… essaye !

Elle le regarda sans comprendre. Essaye ? Essayer quoi ? En une parodie de duel Niabea salua la jeune fille et se mit en garde le tisonnier à la main. Malgré la réapparition du sourire sur les lèvres du Tisseur Lälwina ne trouva aucune trace d’amusement ou de plaisanterie dans ses yeux. Sans même y réfléchir elle se mit en garde. Aussitôt le jeune Seigneur porta un coup rapide mais sans puissance. Il toucha l’enfant à l’épaule. Avec un gémissement elle lâcha l’épée à terre.

- Hé ! Tu m’as fait mal !!

Son ton accusateur et sa moue boudeuse ne firent même pas sourciller le jeune homme.

- Ne baisse pas ta garde durant un combat.

Et il porta un deuxième coup, sur l’autre épaule, les larmes apparurent dans les yeux de l’enfant. Elle avait eu mal, et il le savait. Elle ne comprenait pas cette apparente méchanceté.

- Ne sais-tu donc que parler ? Ne peux-tu donc te défendre ?

La colère de Lälwina éclata, et saisissant l’épée à deux mains elle se jeta, la lame en avant vers le Tisseur. Sans autre motivation que sa colère elle utilisa la magie pour porter un premier coup à son tuteur. Cette fois, Niabea, surpris, esquiva l’attaque de justesse, et, d’un mouvement du tisonnier, jeta l’épée à terre. Il ressentit une vive douleur au bras gauche et vit qu’une décharge magique l’avait frôlé, le brûlant quelque peu. Ebahi il se retourna vers la fillette qui l’avait dépassé dans sa charge et la vit évanouie au sol.

- Lälwina !!

Il se précipita vers l’enfant. Soulagé il constata qu’elle respirait tranquillement, endormie, vaincue par la fatigue. Avec un sourire tendre il la porta jusqu’à sa chambre et la laissa aux soins de ses dames de compagnie. Le jeune homme retourna dans ses quartiers, pensif. Il était à la fois remarquable et terrifiant de constater à quel point les sentiments forts décuplaient les pouvoirs de l’enfant. Il se frotta le bras.

- Oui… tu deviendras sans nul doute une magicienne de tout premier ordre…

Il se retourna fixant au loin la porte de la chambre où dormait l’enfant.

- Mais qui serviras-tu ?

L’inquiétude se lisait sur son visage, l’avenir était incertain pour la jeune fille…