voyage en enfer (6)
Par Niabea
Qui aurait pu décrire l’intense
terreur qui habitait le jeune Niabea tandis que sous ses yeux venait
d’apparaître un des dieux dont il combattait les serviteurs. Un frisson
parcourut son corps et il sentit sa main se serrait sur son épée. La
force irradiait de lui, et il se sentait plus prêt que jamais, ses
pouvoirs s’étaient enfin détachés des sombres liens qui les entravaient
en ce lieu maudit et rayonnait autour de lui en une aura argentée.
Jamais il n’avait été si puissant. Il ferma les yeux un instant,
devenant totalement Tisseur.
Est-ce pour ce jour que tu m’as choisi… ?
Lorsqu’il rouvrit les yeux Niabea n’existait plus, la conscience de l’homme avait disparu de son regard où ne brûlait plus que la sombre résolution d’abattre ce dieu maudit. Il se leva et s’avança. Aussitôt les deux Effrits s’avancèrent vers lui, surpris de voir un humain en ces lieux. Le jeune homme fit un simple geste de la main et murmura quelques mots.
- Choto dale mina… Se soda too lu !
Le langage ancien, source de puissance. Les deux démons furent pris de convulsions et s’écroulèrent au sol. Soudain des plaies s’ouvrirent sur leurs corps et des rayons de lumière en jaillirent. D’un pas calme et mesuré Niabea s’approcha et acheva les démons de deux coups de lame. Puis, sans que rien n’altère son expression, il se retourna vers le Dieu qui ne le voyait toujours pas, qui semblait ne rien avoir entendu. Et pour cause : Bauglir, à genoux, criait à en fendre l’âme, soumis aux pires tortures qu’un être humain puisse subir. Pourtant le jeune Tisseur ne cilla pas. Restant attentif face à la démonstration de puissance dont faisait preuve le dieu maléfique. Quelques instants plus tard Bauglir n’était plus, remplacé par une pathétique créature démoniaque.
- Ceux qui pactisent avec le feu du démon seront brûlés par ce même feu…
Tant pis pour cet homme, ses erreurs il les avait payé cher, mais cela important peu le Tisseur. Il recommença à concentrer ses pouvoirs, prêt à s’engager dans ce dernier combat, ne pensant pas le moindre instant à sa vie, ni aux conséquences de ses actes. Le mal devant lui, ce mal qu’il devait combattre. Rien d’autre ne comptait.
- Mystra no sentoda… Sih Eget !
L’épée à sa main rayonna à son tour, prolongement du Tisseur, et, les yeux fixés sur son ennemi il commença à marcher, vers son destin. Inamé face à Niabea, le Dieu face au mortel. Ce combat était sans doute écrit et inéluctable. Pourtant, il n’aurait pas lieu. Car, alors que Niabea allait entrer dans la salle du dieu maléfique, Bauglir, alors ombre décharnée de sa gloire passée, poussa un hurlement déchirant, contenant toute son humanité perdue. Les yeux de Niabea perdirent de cette dureté irréelle et redevinrent en un instant normaux. L’aura du Tisseur disparut aussitôt, Niabea fut de retour.
- Mais… mais…
Il
se mit les mains sur les oreilles, pour échapper au cri déchirant qu’il
entendait. Il tomba à terre, la douleur était immense. Il vit passer
l’ancien Seigneur de Sommerlund près de lui, que devait-il faire ?
L’aider ? Une nouvelle vague de mal à l’état pur vint le frapper de
plein fouet, il s’écroula et tenta de ramper peu à peu, s’éloignant
mètre après mètre de cet endroit maléfique. Plus inquiétant, il se
rendit compte qu’il n’avait aucun souvenir des quelques instants
précédents. Que faisait-il debout ? Sih Eget à la main ?
Enfin
l’impression d’étouffement disparu et il se releva. Il jeta un dernier
regard vers l’antre d’Inamé et réprima un frisson. L’horreur était
personnifiée en ces lieux… sans nul doute. Titubant encore il prit le
chemin du retour, quand, soudain, une forme noire recroquevillée sur le
sol attira son attention. Un démon ? Prudemment il sortit à nouveau son
épée et s’approcha.
A sa grande stupeur il s’agissait du feu
Seigneur de Sommerlund, prostré. La tristesse gagna Niabea et, prenant
son épée à deux mains il s’apprêta à achever la pitoyable créature qui
avait autrefois était l’un des plus grands Seigneurs qu’Ekarys ait
porté.
- Adieu Bauglir… Je t’admirais autrefois…
Il abattit sa lame avec force sur le monstre lorsque celui-ci se retourna et le regarda. Niabea lâcha son épée et tomba à la renverse. Ses yeux…
- … Bauglir ? Tu… tu es encore conscient ?
Inamé
n’avait semble t’il changé que le corps de sa victime et l’avait laissé
avec une âme humaine, suprême sacrilège. Un terrible dilemme se posa
alors au jeune homme. Devait-il l’achever en ces lieux et lui épargner
bien des souffrances ? Mais… cet homme n’étais pas un démon malgré les
apparences… Ce flottement dura quelques longues minutes, une véritable
tempête avait lieu dans l’esprit du Tisseur. Il ferma les yeux et se
concentra pour parvenir à faire le calme dans son esprit. Quand il les
rouvrit il était calme et résolu…
S’approchant de la malheureuse
créature il la recouvrit de sa cape malgré sa répulsion et, se forçant
à la regarder dans les yeux se mit à parler.
- Je ne sais pas si tu me comprends encore Bauglir… Mais… je… je vais essayer de te sortir de là…
Puis, aidant le monstre à se relever il reprit la route vers la sortie, priant intérieurement pour qu’elle soit restée ouverte. Oui, il tenterait de l’aider. Mais… pas que pour lui. Un simple nom, Adraylia. Comment pouvait-il espérer la revoir un jour s’il n’avait pas tout tenté pour sauver son frère ? Il jeta un regard en arrière, Bauglir le suivait, sans mot dire, mais l’éclat dans son regard lui fit comprendre qu’il l’avait reconnu. Malgré la situation terrible Niabea ne pu réprimer un sourire… oui, leur dernière rencontre avait déjà été mouvementée… Enfin ils parvinrent jusqu’au passage. Le Tisseur eut un soupir de satisfaction, il était resté ouvert. Sans aucune hésitation il repassa dans le monde des mortels. Plus bas Bauglir semblait hésiter.
- Allons viens ! Le soleil ne devrait plus tarder à se lever maintenant !