Pour un regard (15)
par Niabea
La tristesse avait failli
submerger le jeune homme tandis que son âme revisitait les affres de
son passé, il avait senti son esprit sombré, comme dans le passé,
refusant de se remémorer plus en avant les événements de jadis. Les
yeux du jeune homme s’étaient terriblement assombris, il perdait le
contrôle peu à peu… Soudain ce fut comme si une vague de quiétude, de
gentillesse le submergeait. Il releva la tête surpris et ses yeux
redevinrent comme avant. Sa main… par ce simple contact elle l’avait
sauvé, sa simple présence avait suffi à repousser ce que des années
d’efforts n’avaient réussi qu’à dissimuler. Il resta bouché bée tandis
qu’elle reprenait la parole, incapable d’articuler le moindre mot,
simplement à pouvoir la regarder.
- …je retrouvais Ysa dès que j'avais un moment de libre, explorant les montagnes avec elle presque toutes les nuits. C'est mon amie et ma confidente la plus fidèle... Arlong aussi bien sûr, mais différemment, et puis je ne le connaissais pas encore à ce moment-là…
Ses paroles, sa voix, tout apaisait son esprit troublé. Il sentait le calme revenir en lui, la sérénité, … l’amour ? Il ne saurait le dire, mais quel sentiment si beau et si pur pouvait-on ressentir si ce n’est l’amour ? Elle rayonnait de joie de vivre tandis qu’elle lui racontait les moments heureux de sa vie et n’en était que plus belle.
- … Ma première décision fut de révéler à tous que j'étais Adraylia et non Adrahien...
Elle
se tourna vers lui et le regarda dans les yeux, ils se fixèrent pendant
quelques instants, tandis que le vent, peu à peu s’était calmé autour
d’eux. Une douce brise les entourait désormais, comme si les vents
jouaient de leurs sentiments. Tout semblait si parfait…
L’appréhension
le saisit soudainement, qu’étaient-ils en train de faire ? Qu’était-il
en train de faire lui ? Un éclair passa dans ses yeux mais aussitôt il
disparut, comme absorbé par l’intensité du regard de la jeune femme. Le
temps sembla s’arrêter un instant…
Soudain une meute de loups
surgirent hors du bois et entrèrent dans la clairière brisant l’instant
magique. Surpris Niabea détacha son regard de celui d’Adraylia, mais
les fauves ne semblaient pas leur vouloir de mal. Et, phénomène
étrange, le chef de meute s’arrêta un instant pour les regarder. Sans
qu’il sache véritablement pourquoi le jeune homme se mit à rougir mais
regarda l’animal dans les yeux sans ciller. Le loup et l’humain se
fixèrent un instant. Puis, sans que rien ne le présage, l’animal
reparti avec les siens laissant les deux jeune gens seuls. Niabea
laissa échapper un soupir, mélange de soulagement et d’incompréhension,
malgré tout quelque chose d’étrange s’était passé… il le sentait...
Adraylia
lui avait parlé des moments heureux de son enfance, et Niabea se rendit
compte avec stupeur qu’il avait omis les instants de joie du passé.
Pourquoi ? Sans doute un besoin d’en parler réalisa t’il avec stupeur,
un besoin de lui en parler, à elle… A chaque instant il comprenait un
peu plus la profondeur des sentiments qu’il ressentait pour elle, et
cela l’effrayait un peu. L’amour, cette chose étrange, ce sentiment
divin, qu’il avait effacé autrefois de son cœur, faisait un retour
brutal en lui et il ne savait comment y réagir. Désireux de masquer sa
gêne il brisa le silence, après tout sa vie n’était pas faîte que de
malheurs…
- … mais vous l’avez dit tout à l’heure… J’ai aussi eu des rêves autrefois…
Il s’arrêta surpris par ses propos et se corrigea.
- Rêve que j’ai toujours d’ailleurs ! Mais avec le temps on apprend à oublier, à devenir plus … réaliste ?
Il lui fit un sourire moqueur et un petit clin d’œil.
- J’ai arrêté de rêver de pouvoir marcher sur les nuages par exemple ! Bien que le voyage en Dragon… ça je n’aurais jamais osé en rêver !
Il eut un grand rire, oui, la vie prenait un autre sens, une autre dimension depuis quelques mois, depuis cette soirée en fait…
- J’ai gardé des amis de cette période… Galeat bien sûr, mais aussi tant d’autres… Et d’autres sont arrivés par la suite… Orson, Higan, Nacho, Grombrindal et tant d’autres… Maintenant je t’ai… toi !
Il évita de la regarder, désireux de continuer sans hésiter. Mais les mots lui manquèrent et il resta silencieux, regardant le ciel, le simple fait d’être ici le rendait déjà si heureux, pourquoi tout gâcher…