voyage en enfer (5)
par Bauglir
Le mal avait envahis l’atmosphère et était presque palpable. Un
froid intense submergea Bauglir, pénétrant sa chair et ses os. Tous son
corps n’était que souffrance. Se mettant les mains crispées devant le
visage comme pour se protéger, il tomba à genoux, incapable de lutter
contre la puissance qui l’accablait. Une voix ténébreuse résonna dans
sa tête, lui explosant les tympans et lui donnant l’impression qu’une
multitude de pointes lui traversaient le crâne.
La douleur était
si vive que le seigneur en était incapable d’hurler. Avec difficulté il
ouvrit les yeux pour apercevoir Démonia, riant aux éclats. Puis une
silhouette se dessina dans l’embrasure de la porte. Elle s’avançait
lentement d’un pas lourd vers le jeune homme.
Pour la première
fois de sa vie, le chef du Clan du Soleil céda à la panique, totalement
impuissant face au mal qui se déchaînait contre lui. Quelle folie
l’avait mené en ces lieux malfaisants? Ici, son dieu ne pouvait le
protéger et Elora ne pouvait intervenir. Sa sœur ne se porterait pas à
son secours… Tout était perdu, il allait mourir comme un idiot et
rejoindre les esclaves et subir des souffrances éternelles.
Il
commença à rire. Malgré la souffrance il riait. La folie devait
commencer à le prendre. Il trouvait la situation vraiment ridicule et
rigolait, se moquant de son imbécillité. Comment avait il pu penser une
seconde pouvoir défier un dieu ? Il l’avait déjà fait et sans
l’intervention in extremis de sa sœur, il n’aurait pu s’en sortir en
vie.
Il jugeait que ce qui lui arrivait était plus que mérité.
Il était incapable de retenir une leçon et était tombé deux fois dans
le même piège. Ca l’apprendrait à faire fi de son instinct…
Pauvre créature pathétique
, lança Démonia en lui crachant au visage.
Bauglir s’écroula. La douleur, à son summum, l’écrasa et il céda.
Et
la souffrance s’estompa ; tel le calme après la tempête. Le seigneur ne
comprenait pas et commença à se relever. Le succube sortit son fouet et
d’un habile geste l’entoura autour du cou de Bauglir, le tirant en
arrière et posant sa patte entre ses omoplates. Ainsi immobilisé, dans
une position de soumission et la lanière de cuir l’enserrant lui
interdisant tout mouvement, il pouvait « admirer » le seigneur des
lieux qui se tenait devant lui… Une vieille connaissance.
En
effet, Bauglir ayant sombré quelques mois dans l’ombre de la
nécromancie, suite à la rencontre de Valéria, il avait pactisé avec
Inamé, dieu des morts. Celui-ci jouait apparemment aussi le rôle du
Diable. Le seigneur du Sommerlund avait réussis à se libérer de son
emprise et à retourner vers la lumière. Mais sa bêtise le projetait à
nouveau dans ses griffes.
Le dieu avait pris un aspect
répugnant et indescriptible, surpassant l’imagination de toute homme.
Sa vision donnait la nausée à Bauglir.
Tu es fort Bauglir,
dit il d’une voix rieuse et nasillarde.
Quand je pense que tu as refusé mon offre… Tu aurais pus devenir surpuissant et imposer ta domination…
Pour finir ensuite comme ces pauvres gens ! Non merci ! Cracha le seigneur avec haine.
Il sentit le fouet se resserrer autour de sa gorge, coupant cours à son insolence.
Toujours le même à ce que je vois. J’ai réfléchi a ton cas et je pense avoir trouvé un châtiment digne qui te plaira et non tu ne rejoindra pas les autres… tu vivras !
S’en suivit un rire théâtral mais qui glaça les os de Bauglir. Puis une
autre vague de douleur le submergea. Tous ses muscles se tendirent et
il eu l’impression que sa peau se déchirait. Baissant les yeux il
constata avec horreur que ce n’était pas qu’une impression. Des spasmes
le prirent et sa cage thoracique sembla se rétracter. En réaction ses
cotes s’entrechoquèrent et ses poumons furent percés. Il cru un moment
que sa colonne vertébrale était sectionnée. Son ventre lui faisait
horriblement mal et il constata avec épouvante qu’il était en train de
se vider de son contenu. Par magie on lui arrachait tous ses organes un
par un.
Bauglir cracha de la bile et du sang et une vive
douleur le pris au niveau du front. Sa peau noirci et craquela. Ses
yeux exorbités se résorbèrent et changèrent de couleur et de dimension,
passant du noir au rouge comme si un feu brûlait dans ses pupilles. Sa
gorge le brûlait, et pour cause, ses cordes vocales étaient à l’air.
Après quelques minutes interminables de souffrances, Bauglir pu enfin
se mettre debout. Il regarda ses membres. Il était devenu une chose
horrible, un monstre, une créature du chaos. Une abomination. Il était
devenu ce qu’il avait toujours combattu.
Ses épaules étaient
affublées de cornes noires. Sa peau et ses vêtements ne faisaient plus
qu’un par endroit, donnant l’impression qu’il avait été brûlé. De
longues griffes prolongeaient ses doigts. Les os de sa mâchoire
n’étaient plus couverts par l’épiderme et de longes canines lui avaient
poussées.
Le dieu le jugea un instant et un rictus apparut sur
son « visage », comme s’il était heureux de sa création. Puis il fit
signe à Bauglir qu’il était libre de partir, l’informant simplement
qu’il ne pouvait plus avoir de contacts avec la lumière du jour…
Le
seigneur du Sommerlund poussa un cri lugubre, une complainte qui donna
un frisson au succube qui se tenait à coté de lui. Bauglir lui lança un
regard meurtrier. Il lui aurait été simple de l’égorger sur place mais
il ne voulait pas donner plus de satisfaction à la divinité. Il
contourna le cerbère et commença à parcourir le grand couloir une
grande peine lui serrant le cœur, cœur qu’il n’avait plus.