Sombres desseins (20)

Par Lälwina

La fête était sublime et les chants des marins, bien que Lälwina n’en saisisse pas toujours le sens, se prêtaient admirablement à la danse et à la bonne humeur. Aussi, oubliant un moment la fatigue de son corps et celle de la journée à venir elle se laissa aller à l’ambiance festive. Et, comme Terni avant elle, elle prit part à la danse, tournoyant à la lumière des feux, riant aux éclats, comme à la forge elle appréciait la chaleur du feu qui venait rougir sa peau et qui contrastait avec le vent froid venu du large. En sueur elle s’effondra sur un tas de cordes posé au sol et partit d’un grand rire tandis que, légèrement titubante, Terni venait la rejoindre.

- Alors n’avais-je pas raison de te demander de m’accompagner ?

Son amie avait un sourire mi moqueur mi satisfait sur le visage. Lälwina fit semblant de réfléchir, refusant d’admettre si facilement que sa camarade avait raison.

- Hum… Oui… C’était pas trop mal…

Puis, devant l’air outré de son amie son rire reprit de plus bel, gagnant même en vigueur.

- Ne boude pas Terni je plaisantais !

Cette dernière lui tira la langue puis se mit à rire à son tour. La soirée était vraiment magnifique et, Lälwina devait bien se l’admettre, grâce à Terni elle était désormais détendue.
Après un dernier sourire elle la prit d’ailleurs par la main et la ramena vers le cœur de la fête.

- On y retourne ?

Et elles retournèrent danser et s’amuser jusqu’à ce que, aux heures les plus tardives, la nécessité de rentrer se fasse enfin sentir. Et ce fut les jambes lourdes et la tête pleine de chansons que les deux jeune filles reprirent finalement le chemin du château, insouciantes et heureuses. Tout à ses souvenirs Lälwina ne se rendit pas compte que, derrière elles, les ombres se mouvaient, silencieuses, s’attachant à leurs pas dans le silence pesant de la nuit.

- Il faudra y retourner la prochaine fois Terni… C’était vraiment super !

Et elles entreprirent un pas de danse quand, soudain, Terni chuta, atterrissant lourdement sur le derrière

- Outch…

Lälwina commença à rire, en voyant son amie se frotter les fesses d’un air contrit quand soudain son sang se figea. Derrière Terni se profilait distinctement désormais de terribles créatures que la jeune fille avait déjà rencontré dans ses livres. Des ombres des abysses, des pisteurs des ombres qui s’attachaient à vos pas, silencieux et mortels. Bégayant Lälwina prit la parole.

- Ter… Terni… Relève toi vite…Et ne te retourne pas…

Las la jeune fille se retourna et ne pu réprimer un hurlement face aux créatures silencieuses qui s’avançaient inexorablement vers eux. Se traînant vers Lälwina elle la prit par les chevilles.

- Aide moi !

Elle était en pleurs désormais et Lälwina restait immobile, ne sachant que faire. Fuir, telle était la seule idée qui lui venait à l’esprit. Relevant avec une force qu’elle ne se connaissait pas Terni elle la tira par la main et commença à courir en direction du château, fuyant à en en perdre haleine. Les créatures, aussitôt, se jetèrent à leurs poursuites. D’un revers de la main, d’une pensée, Lälwina lança une décharge d’énergie, abattant un des monstres qui barrait leurs chemins. Elles étaient désormais entourées par une multitude de ces créatures hideuses.

- Terni… Reste derrière moi…

Cette dernière ne protesta pas, entièrement soumise à sa peur et se cacha, la tête entre les mains derrière un tonneau proche. Lälwina, elle, n’avait plus peur, non qu’elle l’ait surmonté mais un certain fatalisme l’avait envahi. Elle ne voyait aucun échappatoire cette fois… Elle ferma les yeux…

- Je vais me battre…

Elle l’avait murmuré, à peine, mais sa résolution était grande. Alors, usant de toutes les réserves d’énergie dont elle connaissait l’existence elle se lança dans la bataille, son petit corps frêle annihilant par la pensée des dizaines de monstres, sans relâche, encore et toujours. Mais ceux-ci, à chaque fois, revenaient plus nombreux et, inexorablement, Lälwina sentait ses forces décliner. En un dernier effort elle fit voler en éclats les trois monstres les plus proches puis tomba à terre, à court de forces. Elle entendit encore un cri de Terni, voulu dire quelque chose, oui s’effondra, face contre terre. La dernière image qu’elle vit était une plume noire qui tombait devant ses yeux. Etrange pensa t’elle que les corbeaux soient déjà là… Puis le noir de l’inconscience envahit son esprit.